CHAP 9... Seigneurie et féodalité au XIe siècle
L'évêque Adalbéron divise au XIe siècle la société en trois ordres : les oratores (ceux qui prêchent), les bellatores (ceux qui guerroient) et les laboratores (ceux qui labourent). Cela met en évidence une société basée sur la terre et ou le pouvoir est particulièrement local. Quelques années plus tard, le moine Raoul Glaber, parle d'un pays qui se transforme en se peuplant de blanches cathédrales.
Les grands se sont appelés des Domini, mettant en valeur leur pouvoir sur la terre. C'est que leur pouvoir
n'est pas uniquement fondé sur des terres tenues en bénéfices.
La
seigneurie est une forme de pouvoir local sur les terres qui y sont intégrées. Elle met
sur le même plan, les grands et les puissants, anciens aristocrates et officiers
carolingiens, les abbés et les évêques possédant des immunités, et les propriétaires
de villae.
Comment
peut-on définir la seigneurie ?
1) Les typologies de la seigneurie
Les
historiens distingue habituellement trois types de seigneurie.
a. La seigneurie domestique :
Elle exerce un
pouvoir économique sur les hommes dépendant directement du maître. C'est une seigneurie
qui contrôle uniquement des réserves, gérée avec des esclaves. Elle renvoie à un
pouvoir essentiellement économique et personnel.
b. La seigneurie foncière :
Elle se
distingue par son ampleur. Elle affirme un pouvoir sur ses propres terres (fiefs ou
alleux), mais aussi sur tous les hommes qui travaillent et habitent ses terres : esclaves
et tenanciers. C'est le modèle du grand domaine. Il est peu compact dans sa géographie,
avec un contrôle sur des terres dispersées et peu cohérentes. A l'intérieur même de
ses terres, certaines seront contrôlées avec plus d'attention : protection par un
château ; elle forme un noyau central avec un début de pouvoir politique très local.
c. La seigneurie politique :
C'est la
nouveauté du XIe siècle.
Elle se différencie de par le fait qu'il ne s'agit pas d'une suprématie économique du
seigneur, mais d'une politique exercée sur tout le territoire de la seigneurie. Cette
dernière ne comprend pas seulement les terres contrôlées par le seigneur, mais aussi
les autres terres dépendant d'autres seigneurs. La géographie est cohérente, comprenant
un territoire, indépendamment des terres et des hommes. Ce qui compte est la protection
militaire, payée par les paysans : fiscalité d'origine royale ou seigneuriale : les banalités.
Ce dernier
type de seigneurie a été définit par les historiens : seigneurie rurale, territoriale,
châtelaines, banale. Quelque soit l'adjectif, il renvoie à une définition semblable :
les fondements politiques sont primordiaux.
Seigneurie
rurale : elle insiste sur le développement rural ; c'est là que les pouvoirs
politiques se fragmentent le plus. Elle insiste aussi sur son origine spontanée et
indépendante de la volonté royale.
Seigneurie
territoriale : renforce le caractère dominant sur un territoire cohérent.
Seigneurie
châtelaine : elle se fonde sur le contrôle d'un château, quelle que soit son
origine. Elle privilégie la fonction militaire.
Seigneurie
de ban : On renvoie aux pouvoirs de commandements, à l'origine royaux, de plus en
plus accaparés par des seigneurs. Son origine est germanique : droit de convocation de
l'armée, ce qui sous-entend le droit de punir. Dans l'Europe carolingienne, il s'agit
d'une prérogative royale. Il change de détenteur alors que le pouvoir royal se disloque
au XIe siècle. De plus en plus,
ce droit devient une caractéristique locale sur le territoire.
Le contrôle obtenu par les seigneurs sert à définir les pouvoirs
militaires au niveau local.
Un type nouveau de seigneurie apparaît, qui contrôle de façon cohérente
un territoire, en détenant le pouvoir de ban. Cela à pour conséquence la multiplication
des centres du pouvoir. A côté continue à exister les autres seigneuries foncières.
2) Seigneurie
et féodalité.
a. Une définition de la féodalité
Deux sens sont accordés au sens féodalité, l'un
général et l'autre technique.
Le premier fait référence à un système socio-économique et politique
propre au Moyen Age qui a perduré jusqu'à la révolution : tout régime seigneurial qui
se fonde sur des réseaux de liens et de gratification territoriale. Les fiefs sont alors
une composante essentielle de la seigneurie, des rapports hiérarchiques sont établis
entre les différents individus.
Ors les fiefs ne sont pas fondamentaux pour l'existence de la seigneurie, la
féodalité seigneuriale n'est pas encore présente. Dans le second sens, féodalité
signifie le lien établi entre deux hommes avec des services spécifiques, le tout est
développé à la suite du don d'un bénéfice du seigneur au vassal en échange de
l'hommage.
b. Féodalité et seigneurie
Il faut savoir qu'au XIe siècle, les
équilibres changent. Jusqu'aux carolingiens, le bénéfice était la contrepartie
temporelle donnée en échange d'un service. On a vu l'amalgame entre honneur et
bénéfice, et le phénomène de territorialisation. Au XIe siècle, cela se
généralise : le bénéfice est héréditaire. On l'appelle de plus en plus le fief, nom d'origine germanique. Il va être
considéré comme héréditaire par ses bénéficiaires. A ce moment là, c'est
l'élément physique qui va primer sur l'hommage.
c. Seigneurie et fief
Presque jamais,
une seigneurie est composée uniquement de terres détenues en fief. Ils sont utiles pour
augmenter les terres contrôlées par le seigneur (les alleux), mais certainement pas
essentiels à la constitution d'une seigneurie.
d. Seigneurie et vassaux
La vassalité
s'était développée car le roi avait voulu renforcer ses rapports avec l'aristocratie
territoriale. Au XIe, c'est
le même modèle qui se met en uvre au niveau local : chaque seigneur, pour
renforcer son contrôle sur la seigneurie, va s'entourer de liens vassaliques. Il a en
effet besoin d'hommes de main, de professionnels de la guerre : les bellatores ou milites. Et pour s'assurer de leurs
fidélités, il va offrir des bénéfices : honneurs ou terres. Ainsi on va voir des
chevaliers vassaux qui vont habiter dans les châteaux du seigneur qui va les entretenir (milites castri), ainsi que des
chevaliers dotés de terres (milites fieffés ou chasés).
On remarque
que les liens féodaux ont une double utilisation : augmenter le nombre de terre d'une
part et d'autre part renforcer ses liens avec un entourage militaire. Certains seigneurs
vont donc approfondir leur ancrage territorial et leur ancrage local.
Les bases
de la seigneurie ne sont pas les fiefs : le pouvoir se définit d'abord par le contrôle
de la terre, d'un château et de droits. Mais dans l'Europe dans l'an mil, la seigneurie
n'est pas le seul élément du pouvoir : les principautés subsistent.
De quelle
manière vont évoluer les rapports entre les seigneuries locales, les principautés
régionales et le pouvoir royal ?
1)
Principautés et seigneuries.
Les fondements des pouvoirs sont semblables
pour les deux. Tout prince fonde également son pouvoir sur sa force militaire, foncière
et ses disponibilités en hommes. Le prince les a traduites en autant de vastes zones de
domination, dans lesquels il agit comme un seigneur. On peut même distinguer deux zones
La première consiste en un noyau dur, contrôlé activement par le prince : il y détient
de nombreux châteaux et vassalités. Il existe aussi une zone externe, contrôlée
partiellement : le prince a des monastères, des évêques et des liens vassaliques. Mais
ici, son pouvoir finit par être en concurrence avec des princes voisins ou même des
seigneurs locaux. Il y a une tendance au repli.
2) Un tour
d'horizon occidental
Allemagne :
l'empire se maintient et se renforce. Il y a des pouvoirs seigneuriaux, mais les
instruments de raccords entre seigneurs et roi passent par le modèle de l'immunité plus
que par des liens vassaliques. Son autonomie est limitée avec des tendances
ecclésiastiques
Italie :
l'émiettement des centres de pouvoirs est poussé loin. A l'inverse de la Germanie, il n'y a plus de comtés
carolingiens mais des comtés seigneuriaux, indépendants et ruraux. A côté, l'essor
dans les villes du pouvoir des évêques et des concitoyens.
Midi de la
Francie : à partir du début des capétiens, il n'y a plus d'intervention royale. On va
voir l'essor de véritables pouvoirs seigneuriaux plus ou moins grands et puissants.
Nord : la
présence du pouvoir royal est maintenue. A côté, il y a aussi de nombreuses
principautés qui conservent leur cohérence : Normandie, Flandre. Elles se maintiennent
mieux qu'ailleurs grâce à un patrimoine foncier riche, un contrôle du commerce, un
monopole de la construction des châteaux et le développement des liens vassaliques en
leur faveur.
On remarque
que des liens féodaux sont utilisés à l'échelle locale, mais aussi comme moyen de
raccord régional. Plus forts seront les conflits entres pouvoirs, plus les liens seront
des éléments d'équilibre.
2) L'utilisation politique des liens féodaux vassalique.
Elle trouve
sa raison dans le fondement du contrat : une garantit de sécurité et de paix.
D'une part,
les liens féodaux peuvent être utilisés pour renforcer l'hégémonie d'un prince sur
des territoires larges. Le petit seigneur va céder sa propre seigneurie, le prince va la
lui rendre en tant que fief : le fief de reprise. C'est le signe d'un raccord politique. Le prince gagne la légitimation
de sa suprématie régionale. Le petit seigneur gagne le maintien de sa suprématie
locale.
D'autre
part, les liens de vassalité sont multiples. Le comte
d'Anjou est seigneur de nombreux vassaux, mais il est le
vassal d'un autre pour certaines terres. Cela entraîne deux conséquences : le fief prime
sur l'hommage (plus on a de seigneur, plus on a de terre), et on prime un seigneur sur les
autres : la fidélité lige. On
a plusieurs seigneurs, mais tous ne sont pas égaux. C'est le début d'une hiérarchie.
On remarque
l'importance des liens féodaux vassaliques pour renforcer des cadres régionaux. Ce sont
autant d'instruments pour atteindre le même but : récupérer une légitimité. Ce n'est
définitivement plus un système administratif.
1) Le
renouveau monastique : Cluny et Gorze.
L'abbaye de Cluny, fondée en 909/10 par Guillaume
d'Aquitaine, comte de Macon.
Les fondements religieux de la réforme clunisienne : dès sa
fondation, l'abbé et les moines insistent sur un retour à la règle de St Benoît, surtout pour l'aspect liturgique.
La vie du moine est divisée en deux : chant et silence. Du côté institutionnel, on
développe l'autonomie du monastère. Dès sa fondation, elle se considère exempte de
l'évêque mais directement lié au pape. En 931, le pape permet au
monastère d'accepter des moines venus d'ailleurs.
Les fondements politiques de la réforme clunisienne. Ces
fondements politiques complètent les points précédents : l'abbaye se soustrait aux
pouvoirs laïcs. Guillaume leur concède une villa, force économique importante,
sur laquelle l'abbaye va former sa seigneurie avec ses propres liens vassaliques.
Les moyens de l'essor de Cluny au Xe. Cet
essor est monastique : Cluny devient le centre de toute réforme. On va assister d'abord a
des demandes de réformes d'autres monastères. C'est le signe qu'elle est considérée
comme l'exemple monastique. Dans la seconde moitié du Xe siècle, on passe à
un réseau de communautés directement liées à Cluny. Ce seront des prieurés, d'abord local et régional, puis
dans l'ensemble du monde méridional.
Le rayonnement clunisien du XIe : Cluny atteint
son essor définitif au XIe.
Elle est finalement considérée comme un ordre monastique à part entière, ses branches
étant totalement autonomes. Elle est considérée comme un rapport politique
international. A la fin du siècle, 1 000 monastères lui sont liés, et en dessous, les
prieurés.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 25/04/99