CHAP 8... Economies et sociétés.
Elles se situent dans un double mouvement : récupération démographique et élargissement du monde économique. Pour un système économique qui va essentiellement du niveau local jusqu'à l'économie monde. L'évolution paraît lente jusqu'à la révolution ; elle n'apparaît qu'au niveau technique et social, mais il existe des progrès essentiels.
Il est difficile de faire des estimations précises, mais on peut considérer
entre 60 et 80 millions de chinois, en Amérique précolombienne 60 ou 80 millions encore
et autour de 80 à 100 millions d'européens.
1)
Les systèmes démographiques.
Il y a de forte inégalité, avec une
France lourdement peuplée : 16-17 millions d'habitants, 12 millions d'italien, 8 millions
d'espagnols, 4 millions d'anglais, 15 millions d' "allemands". Le roi de France
peut tirer de fortes ressources de sa puissante démographie. Depuis la fin du Moyen Age,
avec 69 millions d'européens, on a vu tomber ce nombre en 1450 à 40 millions avec la
grande peste, puis une reprise avec 80 millions en 1500.
En France, on n'a que des recensements au niveau du foyer. Mais combien y
a-t-il d'habitant par feu ? Les registres paroissiaux sont mal tenus. On constate
néanmoins la constitution de la famille moderne : recul de l'âge de mariage, et peu d'enfants avec peu de conception
avant le mariage et un allongement des intervalles inter
génésiques : 34 mois. On est très loin d'un enfant par an.
Un couple peut avoir au maximum en 10-15 ans de mariage, sept enfants, dont la mort en
prend la moitié. Autour de la table, on peut considérer 2 à 3 enfants.
2) L'évolution globale.
Le
modèle français ne se répand pas partout en Europe. Les marges ne connaissent pas ce
phénomène: la Moscovie passe de 9 à 16 millions d'habitants pendant le siècle.
L'Europe dense ne concerne qu'une bande Londres - Naples, le reste des densités tourne à
20hab/km2.
Une donné essentielle : la très faible
urbanisation. Au XVIe
siècle, il y a au maximum 15-20% de population qui est urbaine. Dans les marges, on tombe
à 10%. Seul les Pays-Bas peuvent atteindre à la fin du siècle 50%. L'essentiel des
villes ne dépasse pas 5 000 habitants. Londres: 100 000 habitants est la capitale portuaire et centralisée. L'Italie
est riche en grandes villes : 15 villes de plus 20 000, Naples : 300 000 fin XVIe, Venise: 150-160 000, Milan 100 000. Pour la péninsule ibérique: Séville et Lisbonne ont plus de 100 000 habitants. En France, seul Paris avec 300 000 habitants est à plus de
100 000. La deuxième ville est Rouen avec 60 000, loin derrière Lyon 35-40 000. Le réseau urbain est pour l'essentiel des villes de 5 000
habitants.
Après
1560, l'essor urbain est cassé. François Ier a
crée Le Havre pour faire un Port, et Vitrilles en 1545, car il avait détruit la ville
d'à côté.
Ce sont les campagnes qui peuplent les villes. Il n'y a pas d'exode rural :
elles envoient leur surplus.
La moyenne d'âge est plus court, le taux de mortalité plus important en
ville. C'est une population âgée qui vient mourir à la ville.
Globalement on assiste à un essor des villes 1500 : 5 villes de plus
de 100 000 en Europe. En 1600 : 9. Pour les villes de plus de 40 000 : 26 en 1500
puis 42 en 1600.
Ce siècle est celui d'un essor urbain certain.
1) Une écrasante
dominante agricole.
Domination dans l'espace des céréales, quasi excessive. C'est ce qu'on
appelle les blés : sarrasin, seigle, avoine, maïs (Amérique) : toutes les céréales
qui peuvent faire du pain. On trouve du blé partout : en méditerranée, au bassin
parisien. Dans le cadre d'un assolement triennal, avec deux sortes de blé : le blé
d'hiver et le blé de printemps. Deux récoltes : Juin et août. Le reste des terres est
laissé en jachère ou en package (mettre les vaches). La jachère ne
recule que tardivement, au Pays-Bas premièrement.
Dans le sud
de la France : assolement biennal : un blé d'hiver et une jachère. Les terres y sont
plus pauvres.
L'élevage est médiocre, les
vaches devaient ressembler aux vaches sacrées. Il coûte cher, et est signe de richesse.
Exception: Espagne et Castille sont la grande région d'élevage ovin : 2 millions de
têtes de moutons qui favorisent l'exportation de la laine en France et en Flandre.
Avec une
forte demande, les prix augmentent. L'Angleterre aussi est un gros producteurs: moutons.
Quelques cultures spécialisées : la vigne qui est partout, même dans les régions froides. On la cultive partout,
car il faut du vin à table, à la messe, c'est la tradition. On en trouve même en
Angleterre. C'est de la piquette, elle ne se conserve pas, est bue avec d'autres
éléments. Les grands crus n'apparaissent qu'au XVIIIe.
Il y a des nouveautés venu d'Amérique : le haricot qui va remplacer la fève. Le maïs
ou blé de Turquie, qui
progresse vite dans le sud-ouest de la France ou on le cultive fin XVIe. La pomme de terre, elle, ne va pas se développer avant le XVIIIe : il s'agit d'une racine. Venu de méditerranée, l'artichaut importé par les Italiens, le mûrier : pour nourrir le bombyx, ver à
soie. La ville de Lyon à un réseau de production qui fera sa principale richesse. L'olivier se développe. Les plantes
teinturières : la garance
(racine teint en rouge), le pastel à Toulouse.
Il y a un
jardinage autour de la ville. Pour Paris : un rayon de 100km pour la nourrir en
céréales, bois, pain.
2) Les techniques culturales.
Dès
6-7 ans, les enfants aident au travail. On a un paysage d'openfield dominant. Le bocage ne
gagne qu'au XVIIIe siècle. Les rendements sont médiocres. Au maximum, on
atteint 7 ou 8 grains par grain semé, ce qui équivaux à 6-7quintaux à l'hectare. On
est dans un monde de la précarité. Les meilleurs rendements sont en Angleterre ou au
Pays-Bas.
Il n'y a pas de révolution technique, pas
d'agrandissement de la S.A.U. Les stocks s'épuisent rapidement. Un hiver plus long, un
été pourri et on ne peut nourrir tout le monde : les prix augmentent, on achète plus
que du pain. Le seuil de pauvreté : celui qui dépense la moitié du revenu pour se
nourrir. Nul n'est à l'abri.
La période
difficile est celle de la soudure
: période entre fin de stocks et nouvelle récolte. Si après la soudure, la récolte est
mauvaise, c'est la crise. Tous les dix - quinze ans, on a une crise. La deuxième moitié
du siècle les verra se multiplier.
On a dit
que l'Europe était trop peuplée, ce qui a bouleversé les habitudes. On a augmenté les
productions en créant de nouvelles terres médiocres. Dans le Gard, E.leR.L montre qu'on
est passé de 300 à 350 ha. Le pain produit coûte plus cher car il faut plus de main
d'uvre. L'époque se caractérise par une augmentation
des prix. A partir de 1450, apparition d'une petite ère glaciaire ? Inondation, gelée,
invasions d'insectes.
Les mercuriales permettent une idée générale
du prix du pain : 1 setier (156l) 1500 : 1 livre ; 1560: 3livres ; 1590: 9 livres. On
perçoit une augmentation inquiétante du prix du blé dans la seconde moitié du siècle.
Cela profite aux gros fermiers qui vont faire des profits considérables. Mais les
manouvriers et les journaliers qui n'ont que leur bras pour vivre ?
De plus les salaires agricoles augmentent moins bien. En Auvergne : les prix du blé sont
multipliés par 4-5, les salaires par 3. Il y a plus d'hommes alors on baisse les
salaires.
Le siècle
se finit sur de grosses difficultés, avec une hégémonie du pain et un recul des autres
aliments (viande et légumes).
3) La proto-industrialisation.
Elle
précède l'industrialisation. Elle n'a aucun caractère de l'industrialisation actuelle.
Le XVIe est le monde de l'atelier, de l'échoppe, de la boutique. Le cadre :
un maître qui travaille avec 2 ou 3 apprentis.
Il y a quelques exemples d'usines : L'arsenal
de Venise avec 3-4 000 ouvriers concentrés autour de
machines. Il y a quelques entreprises : l'alun pontifical de
Tolfa avec une concentration minière plus capitaliste. Des
mines en Allemagne (grand pays minier) : Tyrol, Carnty,
Nuremberg avec du cuivre, de l'or, de l'argent ; en Bohême
et en Amérique. L'Allemagne produit 30 000 tonnes de fer par an, la France peut-être 10
000. Le sel, indispensable, est exploité avec du capital et de la main d'uvre comme
une industrie.
Mais ça ne
va pas très loin. Elles sont toutes en pays catholiques.
On constate un rôle essentiel : le marchand-fabricant : il utilise une forte main d'uvre dispersée dans les campagnes
environnantes qui tisse et fabrique en hiver. Le marchand-fabrican apporte les matières
premières, puis il repasse et récupère l'objet finis. Cela lui permet de contourner les
contraintes des corporations de métier.
En ville,
les métiers sont regroupés en corporation, organisation réglementés ou tout est prévu : salaire, qualité,
relations etc. Les états s'y sont intéressés et les ont encadrés. Les corporations
sont souvent jurées. Il n'y a pas de concurrence : un pain sera partout le même, et
distribué au même prix. La liberté existe dans les professions non réglementées : les
corporations regroupent 60 à 70% des métiers au mieux.
On assiste
à un développement de la production artisanal avec la hausse de la population. Au XVIe,
on commence à porter des sous-vêtements, la chemise de dessous. Développement de
l'imprimerie, la verrerie.
A la fin du XVIe on invente en Grande-Bretagne une machine à
tricoter. Les régions spécialisées dans les textiles : Flandre, Angleterre, Pays bas,
nord de l'Italie, Languedoc, Rouen, Bourges. Il y a un début de concentration, mécanisation, diversification
(laine, chanvre, soie, velours). Apparition des hauts-fourneaux aux charbons avec
d'énormes soufflets en cuivre. On arrive à produire 100-500 tonnes de fontes. La
prospérité allemande sera cassée au XVIIe.
4)
Les échanges.
Le XVIe est l'ouverture sur l'Amérique, la Méditerranée. Pierre Chaunu les estime seulement à 1% du produit brut, ce qui
relativise beaucoup.
Malgré
tout, les espaces commerciaux ont explosés. Venise, Gênes restent
les grandes villes commerçantes. La Méditerranée va rester la principale route
maritime. Une deuxième mer en essor : la Baltique avec le détroit
du Sünd.
Bien sur,
la route océanique avec Séville
est Anvers pour plaque tournante. De L'Amérique arrive l'or et l'argent, redistribués
par Anvers (espagnole) au reste
de l'Europe. Les Portugais aussi. Anvers bénéficie de franchise depuis fin XVe avec une bonne situation géographique. C'est une des principales
villes financières.
On connaît de grandes foires libres et vivantes. Au tout début du XVIIe,
naissance des compagnies de commerces internationaux (anglais, danois).
Pour indicateurs : le stock de métaux précieux. Arrivent d'Amérique des
quantités formidables. Le stock d'or va se stabiliser en 1560, mais l'argent va continuer
à couler à flots. Le Ducat de Venise, le Florin de Florence, Le Louis de France, La Pistole espagnole, le Taler en argent allemand. Tout cela encourage la spéculation sur l'argent et
l'or et l'inflation. Sur le siècle, on peut estimer une multiplication par quatre des
prix. Le maximum est atteint en 1590. Cette augmentation stimule la croissance économique
qui sera vive fin XVIe. Le XVIe est
bien en phase A. Les salaires ont du mal à suivre. Jusqu'en 1520, les salaires étaient
devant les prix. 1539 la Grande Rebeinne ; 1525 la révolte des paysans en Allemagne.
Ce qui gagnent le plus sont les commerçants et les grands financiers. Ceux
qui vivent de la terre gagne 3 ou 4% par an. Les grands commerçants allemands : les Welser gagne entre 9-10%, les Fugger dans la finance : 55%. La banque
s'impose.
On assiste
au développement d'un courant financier. Apparition de la lettre
de change sur les grandes places qui s'internationalise. Il y
a des bourses : Anvers 1460. Les prêts à intérêts sont interdits par l'Eglise. On voit
se créer des sociétés à plusieurs : en commandite. Les grands financiers sont les Fugger qui se sont enrichis par la soie
et les épices, ont vendu les indulgences du pape, exploitaient les mines d'Allemagne et
d'Amérique. Ils ont un monopole financier. 1557-1559, crise financière à cause de
souverains qui ne remboursaient pas. Fugger est un grand capitaliste. Société à base
familiale. Autour du roi de France, il y a des banquiers florentins
Même
minoritaire, les échanges gardent une place importante.
1) Des sociétés
d'ordres.
On ne pense pas la société autrement que
dans le champ trifonctionnel : ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent.
La vocation
la plus digne est d'entrer dans le clergé. Il est nombreux, avec des privilèges, une
puissance financière et politique (Trêve, Cologne, Mayence -> électeurs). Avec les
protestants, il y a eut une perte de certaines richesses, et il y a un contrôle de plus
en plus important du roi. En France, tous les dix ans les membres ont droit à une
assemblée ou ils négocient leur problème avec le roi.
a. Les noblesses :
Ce ne sont plus
les aristocraties médiévales. Au XVIe, on ne
s'agrège plus vraiment à la noblesse. Mais les relations d'hommes à hommes sont
importantes : il y a un rôle important de l'honneur. Elle jouit de privilèges judiciaires, financiers et successoraux. L'essentiel de l'héritage est
donné au premier fils : règle de primogéniture. Il y aussi une petite noblesse dont 75% qui vit modestement : elle ne
voit pas le roi et ne va pas en guerre. Le XVIe,
est le progrès de la royauté : la noblesse devient liée au roi : création des offices.
b. Les paysans
Il s'agit de la
masse paysanne dans le cadre médiévale de la seigneurie noble ou bourgeoise. Dans la
seigneurie, il y a la réserve domaine privé , et la seigneurie éminente
là où ils ont le droit de levée d'impôts (cens, champart). Le ban est le
pouvoir de commandement sur la communauté. Le village est organisé en communauté
d'habitants qui négocient avec le seigneur. On assiste à une croissance de la réserve
au détriment des tenures (propriété paysanne) qui se trouvent en difficulté. En Europe
Orientale, on voit progresser le servage. En France, on a un peu tout. Il y a des tenanciers indépendants, les communautés
résistent bien au seigneur. Les laboureurs s'imposent mais ils sont peu nombreux. En dessous, la population de
tenanciers, manouvriers qui
gagnent moins d'1 livre par jour. Au sud de Paris, 90% des tenures font moins de 2
hectares. Le servage est en train de disparaître.
2) Les citadins.
Ils
sont minoritaires, mais ils
existent. La ville est close de ses remparts. Avec le beffroi, elle montre son indépendance. Les villes ont obtenu que
leurs habitants les bourgeois soit exemptés de taille. Depuis le XIIIe, augmentation de la bourgeoisie qui tient un poids considérable en
tenant le pouvoir économique. Ils fournissent les consuls, indépendance de la ville,
achètent des seigneuries. Autour d'eux : les artisans, boutiquiers etc. On trouve le
petit monde de l'université, du clergé qui constituent une bourgeoisie intellectuelle
importante. Les compagnons, apprentis, journalier et aussi le monde de la pauvreté.
Le XVIe est un tournant dans la pauvreté : des auteurs contemporains ont
parlé de la pauvreté : Juan Vives en 1526. Il s'interroge sur la masse des pauvres en
ville. Le pauvre autrefois était l'image du Christ. Le pauvre était assez bien vu. Au
XVIe, la charité chrétienne recule, le pauvre
est désordre public et vols. Il est sale, impie. Pour sauver leurs âmes, il faut les
faire travailler : en 1534 à Lyon création de l'aumône générale (grand bâtiment ou
on veut enfermer les pauvres ou on les ferait travailler). C'est une nouvelle idée de la
pauvreté. Cette nouvelle attitude montre un changement, une progression du contrôle de
l'état sur la population.
Le XVIe a vu un progrès du pouvoir monarchique. Les villes et
autre corps constitués etc. ont vu leur pouvoir diminuer. Il s'accompagne d'un
renforcement de l'initiative individuelle. Ce n'est pas l'écrasement de l'individu.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
suivi en 1997-8
Grands Mercis au professeur !
Mise à jour du : 23/03/99