CHAP 6... L'économie et la société à l'époque carolingienne
Les carolingiens gouvernent un territoire
particulièrement grand pour l'époque. On connaît 200 palais, 500 abbayes dont 200
directement soumise au roi avec des abbés vassaux. Même tendance pour les évêchés,
200, dont la moitié sont des fidèles du roi.
Cet empire est divisé en de nombreuses circonscriptions territoriales : les Pagus. Egalement, des domaines
fonciers dépendent directement du roi : les fiscs. Le roi peut aussi compter sur plus d'un millier de personnes directement
et personnellement consacré : les Vassi Dominici.
Le pouvoir
de ces comtes, évêques, abbés est fondé sur le principe de vassalité : dans la
hiérarchie carolingienne, il y a deux niveaux. L'un administratif et l'autre basé sur la
fidélité personnelle. Comment cette ambiguïté se développe-t-elle ?
1) Un consensus
aristocratique
Ce consensus
aristocratique se montre dans les assemblées générales : chaque année se tient un plais général, entre mars et mais, avant
l'expédition militaire. Cette assemblée a des fonctions militaires, judiciaires et
politiques ; c'est à cette occasion que les carolingiens mettent par écrit leurs
ordonnances : les capitulaires.
Ils sont lus aux membres de l'assemblée, puis distribués par mode écrit. Il y a donc un
essor nouveau de l'écrit pour des raisons administratives.
Ces
capitulaires concernent aussi bien le laïc que l'ecclésiastique. Cette utilisation de
l'écrit rend nécessaire la présence d'un réseau administratif.
2) Le réseau administratif
Les
structures sont plus homogènes que sous les Mérovingiens ; surtout, elles concernent un territoire beaucoup plus grand. Il n'y a
pas de méritocratie, ni de séparation entre patrimoine personnel et institutionnel.
a. Au centre
Le centre est
le palais carolingien, signe d'une cour itinérante. Il y a continuité avec les
structures des mérovingiens, mais le poste de maire de
palais est supprimé pour être remplacé par les comtes de palais. Une majorité des officiers
sont d'Eglises : évêques et abbés, ce qui expliquent le niveau intellectuel et le
développement de l'écrit.
L'institution
est limitée, itinérante majoritairement. L'aspect le plus essentiel se trouve donc sur
le territoire, avec la volonté carolingienne de le contrôler.
b. L'organisation du territoire
Les
circonscriptions de bases sont les comtés ou les pagi, avec quelques développements plus locaux : les viguiers. Certains de ces comtés, surtout
sur les frontières militaires, sont gérés par des marquis ; ce sont des marches, réunion de plusieurs comtés pour former une marche. Le pouvoir du
marquis est donc plus ample mais de même nature que celui du comte. Ponctuellement et de
façon transitoire en période de guerre sont instaurés les ducs, chefs de guerre régionaux institués pendant la duré de la guerre.
Le profil
des comtes ne reste pas le même, il va évoluer. Au départ, ce sont des officiers
nommés selon le bon vouloir du roi, dans une circonscription dont ils ne sont pas
originaires, cela pour éviter une ambiguïté entre sa puissance locale et sa nomination.
De plus en plus, les comtes vont être pris parmi les élites locales avec un poste à
vie. Le recrutement est aristocratique, souvent parmi les plus fidèles du roi : les
vassaux royaux (vassi dominici).
Du point de vue de la fonction, on assiste à un ancrage territorial du compte : il ne
reçoit pas de salaire direct pour son office mais des dédommagements : 1/3 des justices,
1/3 des biens transités. Mais surtout, le roi donne des terres, concédées pendant la
durée de l'office uniquement ; le compte doit vivre sur les revenus de cet honor.
L'idée des
comtes sera alors de faire de ses terres leur propriété propre, à vie, et léguable.
Dans la pratique, la physionomie des comtes va vers une territorisation, une
régionalisation, et une dynastisation avec l'inamovibilité de l'office. Ce mouvement se
retrouve sur tous les autres officiers, comme les missi
dominici.
c. Les missi dominici
On envoie sur
les territoires des enquêteurs pour contrôler l'administration : les missi dominici. Ils apparaissent en 802.
Il s'agit au départ d'un laïc et d'un religieux, envoyé pour contrôler les actions des
comtes et évêques royaux. Il s'agit normalement d'un comte et d'un évêque provenant
d'une autre région. Mais très vite, se développe un lien ente l'envoyé et sa
circonscription. Dès le milieu du IXe, les envoyés sont des notables de la circonscription même à contrôler ; une
tendance de plus à la régionalisation.
Tout ce réseau administratif laïc n'est pas uniforme dans tout l'empire. Il
faut diviser l'espace carolingien en cercle concentrique, en partant de la région Neustrie-Austrie-Germanie. De même, parmi
ses administrateurs, il n'y a pas que des membres laïcs, mais un bon nombre d'abbés et
d'évêques, de plus en plus considérés comme des officiers.
3) Les appuis ecclésiastiques.
Il se met
en place une église impériale au service du pouvoir carolingien ; les abbés et les
évêques sont intégrés dons les structures politiques des carolingiens. Sur un
capitulaire de 825, ils sont considérés comme des officiers. Le
recrutement des ces évêques et abbés est toujours aristocratique. Comme ils sont
officiers, il n'est pas étonnant de les voir aller en guerre, à la tête de leur troupe.
C'est là l'évidence du pouvoir séculier de l'abbé et de l'évêque.
Ils ont une
fonction politique, militaire et administrative non négligeable. Il faut aussi ajouter
que tout comme les comtes qui s'enracinent, le pouvoir territorial des ecclésiastiques se
renforce. Évêques et abbés font recours au système de
l'immunité : droit négatif tout d'abord qui considère que
des terres sont immunitaires quand les officiers royaux n'ont pas le droit de rentrer sur
ces terres. On passe à un droit actif et positif : ces terres seront directement
administrées par l'évêque ou l'abbé.
Cela
constitue autant de modèle pour la constitution de la seigneurie. Il montre que le contrôle des évêchés et des abbayes est essentiel
au pouvoir carolingien. A la fin, ce pouvoir échappe au carolingiens qui cède les
abbayes à l'aristocratie laïque : les avoués. Cela signifiant que le roi ne contrôle plus l'abbaye qui renforce le
pouvoir de l'aristocratie locale, base ultérieure d'un pouvoir territoriale local.
4) Les liens de vassalité.
Ce sont des
liens personnels entre quelqu'un d'inférieur à son suzerain, dans le contexte d'un empire dominant un empire très large et une
administration qui ne couvre pas la profondeur. C'est pour renforcer ce pouvoir, que les
carolingiens instaurent une autre forme de gouvernement à côté de l'administration
classique.
Le roi
établit une relation durable avec tous les notables locaux qu'il peut contrôler. Pour
cela, il développe la vassalité. C'est un lien personnel qui crée une dépendance
honorable (les vassaux sont toujours des membres de l'aristocratie) entre d'un côté le vassal et de l'autre le senior (seigneur). Le vassal se
recommande au plus puissant au travers de la cérémonie de
l'hommage. A la base de la réussite du système, un double
caractère : la dépendance est honorable et le seigneur a des droits mais aussi des
devoirs.
Le système
s'établi comme un contrat bilatéral avec des droits et des devoirs pour chacun :
protection pour le seigneur, service militaire pour le vassal. On peut presque parler
d'amitié (?). La cérémonie de l'hommage est à deux temps : le vassal met d'abord ses
mains dans celles du seigneur, sans suit un baiser sur la bouche (liens proches et
laïcs). Deuxième temps, les deux parties prêtent serment sur la Bible (liens religieux).
On voit se
créer ainsi un rapport de fidélités territoriales. Les vassaux sont plus nombreux que les officiers, et commencent à
exister des vassaux qui ne dépendent plus du roi. Il n'y a pas de réseaux hiérarchiques
chez les vassaux à l'époque carolingienne.
Ce
problème de la vassalité ouvre des perspectives sur l'organisation société.
1) Vassalité et bénéfice.
La fidélité vassalique est
"égalitaire" : le seigneur doit en partie subvenir aux besoins du vassal.
Le seigneur concède donc des bénéfices. Le vassal offre son service au seigneur, le seigneur offre une
rémunération sous forme de cadeaux. Là dessus se greffe l'ambiguïté des institutions
franques : à coté des honneurs reçus du roi pour le service public de l'administration,
les vassaux, pour leur service personnel, reçoivent des terres en bénéfices. Ce dernier
service est-il public ou privé ? Ces terres s'intègrent donc plus facilement à un
patrimoine.
2) Officiers ou vassaux.
Le comte,
élu au sein de sa circonscription, possède des terres en pleine propriété : les alleux. Les comtes sont des fonctionnaires,
et en tant que tel ils détiennent des terres qu'ils ont reçues comme honneur. Il y a
donc implantation des comtes au sein de leur circonscription. Le comte ou le vassal va
intégrer ses terres au sein de son patrimoine.
Dans la
théorie, les fonctions publiques avec l'honneur, et les liens de vassalité avec le
bénéfice sont bien séparés : des comtes sont encore mutés dans différentes
circonscriptions.
3) Les profits de l'aristocratie
Fondamentale
est son évolution. Au départ, elle est impériale : ce qui compte le plus, c'est d'être
proche du roi. Le point d'arrivée et l'aristocratie territoriale avec l'établissement du
lien le plus fort possible avec la terre : offices héréditaires ou biens développés.
Charlemagne a utilisé les élites laïques en les employant en tant qu'agents
royaux. Défense est faite au grands de s'entourer de leurs fidèles, ce qui feraient un
réseau de pouvoir secondaire. A ce moment là, la proximité royale est à la base de la
réussite aristocratique. Ce modèle fonctionne jusque vers 950.
Cette idée
d'une aristocratie internationale, subit des changements profonds dans la seconde moitié
du Xe siècle :
Traité de Verdun et fragmentation des royaumes, ce qui favorise un ancrage national.
Invasions normandes et
invasions externes : le contrôle territorial prend de l'importance avec la construction
de châteaux et d'ateliers monétaires.
Concession d'abbayes et
d'évêchés aux aristocrates.
La
proximité royale continue encore un peu, puis laisse la place à une aristocratie locale.
Ces transformations ont leur fondement dans une structure économique rurale. On ne paye
pas les vassaux, on leur donne de la terre.
1) La terre.
La terre est source du pouvoir. Les domaines
change souvent de propriétaire, suite au principe des bénéfices. On crée donc une nouvelle organisation du domaine, une partie est
contrôlée en faire valoir direct : la réserve, et une partie en faire valoir indirect : la tenure.
Les terres
c'est d'abord celles des grands propriétaires : du roi (fisc), des comtes (alleux), des abbés (abbaye). Ces grands domaines sont gérés de la même façon en Europe.
Tout
domaine foncier (Villa - Curtis) est divisé : une partie est
contrôlée en faire valoir direct : la réserve ; une partie toujours plus grande
contrôlée en faire valoir indirect : les tenures ou manse.
Entre les
tenures et la réserve sont établis des liens non géographiques, mais économiques. Le
seigneur prélève des biens aux dépendants des tenures ou du travail : les tenanciers
s'occupent alors de la réserve (corvée). Sur la réserve travaillent donc les esclaves plus des paysans
tenanciers faisant la corvée. Les tenures sont de petites exploitations concédées à
des familles qui les cultivent avec leurs outils et leurs bufs
Le grand
domaine est une unité de gestion rurale dans lequel s'organisent les terres du seigneur
dispersées et non cohérentes.
2) Les hommes
Au IXe siècle, on remarque un essor très fort des
tenures au détriment de la réserve.
Ce développement est dû aux défrichements qui augmentent la tenure, aux
progrès techniques mais surtout à la tentative d'encadrement du monde paysan par
l'aristocratie qui va inciter des petits propriétaires à donner leur terre qu'il
possédait en pleine propriété pour en devenir tenancier.
Cet essor des tenures diminue l'opposition entre libres et esclaves, car
parmi les tenures se distinguent les manses libres et les manses serviles. L'homme ne
dépend plus de son statut juridique mais de son niveau économique. On passe à ce moment
là des esclaves au serf, d'une condition juridique à une condition économique. On ne
distingue plus qu'alleutiers et tenanciers.
3) Les
échanges.
Il y a un essor des marchés, dynamisés par
une action de l'état. Le système monétaire est organisé selon une politique
centralisatrice et homogène : le denier d'argent. Le premier signe de la dislocation carolingienne est la multiplication
des ateliers monétaires chez un abbé, un évêque ou encore un prince.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 25/04/99