CHAP 2... Le royaume des francs, structures politiques
Le royaume qui se développe à partir du Ve siècle sous Clovis, appelé royaume des francs n'est pas celui de la France, ni dans ses limites géographiques, ni dans celles culturelles et géographiques.
I] Essor et évolution de la dynastie mérovingienne : Ve-VIIIe
1) Clovis et le renforcement de la royauté : Ve-VIe
Clovis est un franc et un mérovingien. " Les
francs " sont un des noms donnés au différents barbares qui se sont
installés dans le territoire romain et y ont acquis le pouvoir. Mais ils ne sont pas un
peuple, seulement une confédération militaire. On le comprend dans le sens même de leur
définition : francs = libre, hardi. Pareil pour les Alamans = tous les hommes.
a) Vers la dynastie mérovingienne
Ors, plus ces barbares entrent en contact avec l'empire, plus
ils ont tendance à se définir. Les francs se divisent alors en deux branches : les
francs saliens en Toxandrie et les francs rhénans avec leurs propres chefs de guerre.
Les francs saliens se trouvent directement à la frontière
de l'empire, et ils entrent rapidement en contact, comme le prouve un foedus de 187.
Le cas des francs montre que les invasions barbares ne sont que des migrations limitées,
de courts déplacements, pour certains groupes.
A l'intérieur de ce groupe militaire qui commence à montrer
une meilleure cohésion se trouve les mérovingiens, nom d'une dynastie de chefs de guerre
(Mérovée). Ces derniers commencent à dominer le groupe jusqu'au Ve siècle, moment où avec les difficultés toujours plus grandes de
l'empire et la forte intégration des francs, il s'affirme en dynastie.
b) Le pouvoir mérovingien
Les fondements de ce
pouvoir dynastique germanique sont multiples :
L'idée d'une royauté puisée dans une
conception sacrée d'une dynastie provient d'anciennes croyances germaniques païennes
(les francs sont les seuls peuples encore païens). Ce pouvoir sur le peuple s'appelle le
Mund, pouvoir à moitié magique qui s'exerce sur les hommes de guerre.
La dynastie compte beaucoup
sur les bases militaires de son pouvoir, d'où l'importance des guerres pour pouvoir
redistribuer le butin (argent ou terre).
c) Childéric : un chef guerrier
Les mérovingiens sont biens connus à partir du milieu du Ve siècle, avec Childéric.
On a vu en 451 la bataille entre Aetus et Attila sur les champs
calalauniques qui marquaient le sommet des liens d'intégration de Rome avec les barbares.
A la mort d'Aetus en 454, on assiste à la fin des liens directs entre
l'Empire Romain et la Gaule. Cette dernière devient la proie de différentes armées
romaines qui s'y trouvent dont les généraux sont en éternels conflits.
Childéric semble apparaître à la fois comme un chef
germanique, un rik, chef des francs saliens et à la fois comme un général de l'armée
romaine. On le voit bien quand on a découvert sa tombe, avec son anneau le représentant
avec les cheveux longs et la lance, symbole germaniques du pouvoir, mais aussi avec le
manteau de général romain. Le profil de Childéric est en cela semblable aux autres
chefs germaniques.
Son pouvoir est triple :
sur ses soldats en tant que
chef germanique et général romain.
sur un peuple, qu'il tente
d'unifier politiquement.
sur un territoire, résidu
des anciennes provinces romaines.
d) Clovis : une référence politique
Durant les dernières décennies du Ve siècle, on voit naître un centre politique de plus en plus important
représenté par Clovis. Son règne est une succession de victoire et de défaite.
486, Clovis bat Syagrius, général romain, près de Soissons. Il s'agit, plus que
d'une invasion, d'un coup d'Etat entre deux généraux romains. Une chose reste
indiscutable : il n'y a plus une seule légitimité du pouvoir.
Grâce à cette victoire, Clovis devient la référence
politique du nord de la Gaule, il élargit sa clientèle guerrière (ceci en récupérant
les soldats de l'autre armée), il récupère les terres impériales qu'il redistribue.
Clovis commence à apparaître comme un roi territorial. Il s'agit d'une royauté
romano-barbare (entre roi des hommes et roi de la terre).
Mais, la Gaule n'est pas une unité politique cohérente : il
existe trois centres de pouvoir.
Au nord : les francs,
Au sud-est une royauté
burgonde,
Au sud-ouest le pouvoir
wisigoth.
Mais si le nord de la Gaule n'est pas très romanisé
(du point de vue du nombre de colons ou de l'implantation de l'administration romaine) au
sud, l'aristocratie romaine ou plutôt gallo-romaine est extrêmement importante. Les
royaumes méridionaux vont devoir composer avec cette suprématie des anciennes élites
romaines.
e) Clovis : la construction d'un royaume
Clovis va ensuite lutter pour affirmer sa suprématie sur le
nord de la gaule mais aussi sur toute la Gaule. Il s'ensuit d'importants conflits dans
deux directions : vers l'est contre les alamans pour garder ses positions, et vers le sud
pour conquérir les burgondes et les wisigoths.
Deux moments semblent décisifs dans cette construction :
496 :
bataille de Tolbiac entre Clovis et les alamans. Avec celle-ci, Clovis assure son
prestige, et selon son biographe, Grégoire de Tours, c'est là qu'il décide de se faire
baptiser.
Contre les burgondes, il n'arrive
pas à les battre, mais seulement à s'en faire des alliés.
507 :
bataille de Vouillé. Elle mine le pouvoir wisigoth en Gaule, Clovis récupérant une
partie de l'Aquitaine.
Entre 486 et 507, Clovis est
passé d'une référence politique du nord de la Gaule à un roi de toute la Gaule. Son
prestige est en effet reconnu juridiquement par l'empereur d'Orient qui lui envoie une
ambassade ; le pouvoir de Clovis est complet : il est considéré comme roi par
ses sujets germains mais également par ses sujets romains.
En 509, il est acclamé comme roi par les
francs saliens et par les francs rhénans. En même temps, Clovis est roi d'un territoire.
Aussi, il s'est fait baptiser dans la religion de la majorité et il organise le concile
d'Orléans, volonté d'unification du territoire.
Avec Clovis, on arrive à se rendre compte que les francs
s'implantent dans presque toute la Gaule en une vingtaine d'années. Mais ils n'ont pas
encore d'accès à la Méditerranée, car le Languedoc (Septimanie) reste sous contrôle
des wisigoths.
2) Le temps des conquêtes
En 534, intégration du royaume des burgondes.
En 537, les francs prennent pieds en Provence,
et ont réussi à éviter toutes revanches de la part des wisigoths. Il ne reste plus
alors que la Septimanie et quelques périphériques : Bretagne, Frise
Le royaume s'approche de frontières naturelles : Rhin, Alpes, Méditerranée, Pyrénées.
Résultat:
Le royaume franc s'élargit, mais aussi les possessions mérovingiennes commencent à se
subdiviser en sous-royaumes régionaux qui vont devenir un aspect fondamental du pouvoir
mérovingien : les tria regna
La Neustrie
L'Austrasie
La Burgondie
Il ne s'agit pas de royaumes vraiment nouveaux. C'est une
évidence pour la Burgondie ; l'Austrasie reprend la région des francs rhénans, la
Neustrie celle des francs de Clovis.
En même temps on remarquera que ce pouvoir bien que divisé
reste cohérent.
Cette royauté considère les territoires comme un patrimoine
que l'on peut donc diviser ; il y aura de nombreuses querelles très passionnées
entre les rois et une succession de guerres civiles au cours du VIe siècle. Ceci renvoie aux habituelles luttes de clans germaniques :
les Faida.
Ces guerres civiles cessent vers 713, au moment
ou Clothaire II réunit sous son contrôle les trois royaumes. C'est à ce moment que l'on
voit naître un nouveau pôle de pouvoir :les aristocraties locales comme les
pépinides.
3) L'hégémonie mérovingienne
a) Les conflits
A partir de la seconde moitié du VIe siècle, on assiste à de nombreux conflits :
Conflits entre héritiers à chaque succession : morcellement du royaume au sein du
patrimoine de la dynastie. En fait, ils sont limités grâce à un facteur de
réunification sous le roi le plus puissant.
Concurrence entre Neustrie
et Austrasie.
Concurrence entre une voie
royale centralisatrice et les différentes aristocraties locales, religieuses ou laïque.
Concurrence entre le
pouvoir traditionnel des mérovingiens et un type aristocratique de pouvoir : les maires
de palais, fonctionnaires de la cour, qui deviennent rapidement imposants. Ce qui emmène
dans une évolution à long terme les maires de palais à dynastiser leur fonction, signe
d'une régionalisation de l'administration.
b) Les maires de palais
Le cas le plus connus et le plus important est celui des
pépinides, maires de palais en Austrasie.
Il n'est plus question que d'une lutte interne entre famille
mérovingienne. A partir de 640, avec Dagobert, on assiste à des
affrontements entre royaumes et entre roi et maires de palais. Les pépinides réussissent
la plus spectaculaire des renforcements régionaux. Ils deviennent après la bataille de
Tertry en 687, avec Pépin de Herstal qui bat le maître de palais de
Neustrie et devient ainsi le seul maire de palais des trois royaumes. Le pouvoir
mérovingien trouve un nouvel équilibre entre les deux pouvoirs qui suit la tendance
suivante : le maire de palais conserve son pouvoir en Austrasie, tandis qu'en Eustrie, les
rois Mérovingiens conservent le leur.
L'essor des pépinides est attesté par la garde du trésor
royal par les maires du palais ; la dénomination de prince commence à lui être
accordé. A la mort de Thierry III, se sont eux qui élisent le successeur jusqu'à
devenir maire de palais en Eustrie. Le pouvoir mérovingien n'est presque plus que
symbolique et un peu politique.
A ce moment là, au début du VIIIe
siècle, on assiste donc à un renversement de pouvoir. Les maires de palais devraient
alors tenter d'être roi, mais jusqu'au milieu du VIIIe siècle, ce n'est pas
le cas : la royauté conservant son prestige et sa légitimité.
1) La diversité de l'espace français.
Même après la
conquête de la Gaule par les Mérovingiens,
on voit apparaître trois centres de pouvoir : Neustrie, Austrasie, Burgondie.
Ce problème n'est pas que de la géographie politique :
dans chaque royaume, l'équilibre entre présence des francs et des gallo-romains n'est
pas la même (La Neustrasie est peu romanisée ; L'Austrasie fort romanisée).
Malgré tout, l'aspect le plus important est la lente fusion
entre les deux élites, donc un phénomène social et culturel.
2) Le partage du royaume.
La raison primordiale du morcellement, c'est que tout les
royaumes sont considérés par la dynastie comme un patrimoine qui est donc divisible
entre la famille régnante. Elle est une caractéristique du royaume mérovingien : depuis
Clovis, et jusqu'au VIIIe siècle, il n'y eut que 75 années sous un seul roi.
Cela peut dénoter un manque de sens de l'état ; en fait, il s'agit d'une autre
façon de le penser.
A la mort de Clovis, il y a
quatre héritiers ; on divise le royaume en quatre entre Thierry, Clodomir, Childebert et
Clothaire. Mais très rapidement, on voit resurgir l'ancienne dualité politique et
militaire entre francs saliens et francs rhénans. Dès 561, avec la
deuxième génération, on passe à l'idée de royaume pour des princes, chaque région
ayant son prince territorial. Les Sigebert sont en Austrasie, les Gontran en Burgondie,
les Clovis en Neustrie.
L'arrivée sur l'échiquier des pépinides entre le VIIe et le VIIIe siècle ne change pas cette donne : quand
ils commencent à se considérer rois, ils divisent leur héritage de la même façon.
L'égalité de l'héritage renvoie à une prérogative royale qui dure
jusqu'au IXe siècle. La problématique qui se pose alors est comment cette
dynastie à pu gouverner des territoires divisés.
3) Les fondements de la royauté mérovingienne.
Le premier
fondement : gouverner veut dire commander et distribuer de la richesse (terre et butin).
On peut voir trois aspects :
Roi militaire, lié au butin,
caractéristique germanique
Roi administrateur, pour
résoudre les problèmes financiers, caractéristique romaine
Roi justicier, à mi-chemin
entre les deux coutumes.
a. le roi militaire
Un chef doit savoir ravir d'abord, offrir ensuite à ses
fidèles grâce auxquels il maintient son pouvoir. Le symbole de la royauté est
d'ailleurs le trésor royal. Le butin a une nécessité : une expansion militaire
continue. D'où l'énorme succès de Clovis et peut-être la décadence de la dynastie.
Les fidèles sont très importants. Il en est à la
cour qui forme sa garde personnelle (Antrustions) et les autres (Leudes).
b. roi administratif.
Longtemps, les historiens pensaient la rupture Antiquité /
Moyen Age comme la perte de la fiscalité. En réalité, il semble que celle-ci marche
assez bien encore. Incontestablement, les rois mérovingiens ont pris la place des
empereurs sur les domaines royaux : les Fiscs. La fiscalité indirecte continue
aussi à fonctionner : les impôts sur la circulation commerciale (Tonlieux)
rentrent. La fiscalité territoriale aussi.
Le système des immunités commence à naître : idée
de pouvoir placer des biens fonciers hors du contrôle du roi : des terres qui dépendent
uniquement d'un seigneur. L'aspect fiscal qui disparaît est la fiscalité personnelle :
on ne taxe pas les francs ni les élites romaines.
c. roi justicier.
Il ne faut pas penser que les différents royaumes
germaniques sont sans lois. La loi Salique mise en écrit au VIe siècle, a pour ambition la sauvegarde de la paix publique, modèle romain,
auquel s'ajoute des moyens germaniques : contrôle des conflits entre famille ( taeda ), et compensation judiciaire (Wergeld).
C'est une manière pour le roi de limiter les conflits mais aussi de faire rentrer de
l'argent dans les caisses du royaume.
Ces relais sont triples : cour, administration territoriale, évêques
1) Autour du roi, la cour.
Il n'y a pas une
cour stable avec une capitale ; c'est un changement avec l'Empire. La cour est là
où se trouve le roi, et comme celui-ci se déplace dans ses domaines, les antrustions le suivent avec un certain nombre
de grands fonctionnaires : le maire de palais, le comte de palais (administratif), le
trésorier (garde le trésor), le chancelier (rédige les actes), le référandaire
(justice), le comte des étables (connétables), maréchal (palefrenier).
2) Entre roi et royaume, l'administration
territoriale.
Elle est le fait des comtes. Leurs fonctions sont
plurielles (judiciaires, fiscales, militaires). Ils ne sont pas une invasion
mérovingienne, mais un titre romain de l'antiquité tardive, qui deviennent des
délégués du pouvoir royal dans les villes. Ils dominent un Pagus (Pays).
A partir du VIIe
siècle avec l'édit de Clothaire, les
comtes sont choisis au sein des élites des sous-royaumes, facilitant ainsi la
régionalisation.
Ces comtes sont d'origines franques pour la plus part.
Rapidement cependant, ils sont concurrencés par les évêques.
3) les évêques, pouvoir urbain.
Déjà dans l'antiquité tardive, ils deviennent un
centre politique et administratif de leur communauté. Dès Clovis, les mérovingiens
deviennent catholiques et les évêques vont maintenir leur prééminence dans la ville.
Ils ont un prestige par leur fonction et sont d'origine gallo-romaine. un peu partout, ils
sont un contrepoids au pouvoir militaire d'origine germanique. Quand les comtes vont
devenir délégués, ils vont aller à la campagne, la ville étant dominée par
l'évêque.
Malgré cette puissance des évêques, on peu
remarquer qu'avec un pouvoir mérovingien fort, les évêques seront choisis par les rois
au sein de leurs fidélités, ce qui renforce leur pouvoir épiscopal. Avec le déclin
mérovingien, on assiste au développement de principautés autonomes au sein du royaume.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 25/04/99