CHAP 8... Seigneurie, féodalité et pouvoir royal
Il faut insister sur les deux grands centres du pouvoir dans le royaume de France : d'un côté les aspects seigneuriaux et féodaux et de l'autre les fondements du pouvoir royal. Ce sont deux pendant de la même médaille.
I] La seigneurie et la féodalité
La seigneurie est la base locale
et territoriale du pouvoir.
Fin XIe siècle, on avait laissé une seigneurie toute puissante
avec des seigneurs qui utilisaient pour accroître leur pouvoir des liens féodaux
vassaliques, renforçant ainsi leur contrôle sur un territoire (contrôle d'alleux et de
fiefs), mais aussi une garantie de suprématie sociale (entourage de chevaliers). De cette
manière, ils acquièrent une plus grande capacité économique et militaire.
Malgré cela, le pouvoir des seigneurs n'est pas fondé uniquement sur les
structures féodales : il n'existe pas encore de hiérarchie précise. De plus, nous
savons qu'entre XIe et XIIe, les communautés villageoises se sont
développées, établissant un équilibre entre seigneurs et paysans.
Finalement, la réassurance du pouvoir des princes et du roi au cours du XIIe.
Ce renforcement vu du côté de la seigneurie et de la féodalité oblige seigneurs et
chevaliers à s'intégrer dans un pouvoir plus large et plus puissant : les fiefs de
reprise qui se développe au XIIe.
Ces différents facteurs peuvent se résumer dans le passage d'un ordre
seigneurial à un ordre royal ou princier. Ordre seigneurial fait penser à un ordre
fondé sur le contrôle territorial. Ordre royal ou princier s'installe grâce à l'usage
de la féodalité pour un contrôle royal et non plus territorial.
A/ La multiplication des détenteurs de droits seigneuriaux
C'est un aspect des conséquences
des nouveautés du XIIe. Au cours de ce siècle, de plus en plus de simples
chevaliers, jusqu'alors vassaux de châtelains, vont s'implanter dans des villages et
devenir des notables de villages, s'établissant comme chefs locaux. Rapidement, ils vont
contrôler des droits seigneuriaux : moulins, dîmes, en monnaie ou en fief de leur
seigneur.
A partir du XIe siècle, les fiefs détenus sous contrôle théorique d'un
tiers, sont patrimonialisés.
La conséquence : des droits seigneuriaux qui se morcellent de plus en plus.
Ce morcellement va s'accroître au XIIIe siècle par l'intérêt croissant des
élites marchandes pour acquérir des droits ruraux. On assiste à un essor seigneurial de
chevaliers et de bourgeois qui obtiennent des droits de contrôle sur des hommes et des
terres.
Cette multiplication se montre essentiellement par la présence de chevaliers
et bourgeois comme petits seigneurs. En même temps, les stratégies familiales se
transforment. Comment les patrimoines se transmettent-ils ? Dans bien des régions
françaises, les lignages seigneuriaux à peine sont-ils dotés d'une base territoriale
vont-ils se ramifier en plusieurs branches, divisant leurs biens de façon plus
égalitaire, autre aspect du morcellement des seigneuries.
De plus en plus de monde contrôlant
des biens seigneuriaux : la seigneurie continue, même dans ce nouvel environnement, à
être considéré comme le centre du pouvoir légitimant les suprématies sociales.
Il faut ensuite greffer le concept de féodalité.
B/ Des alleux aux fiefs
Rois et grands princes se comportent comme des seigneurs : accumulation de droits
seigneuriaux et de terres. C'est la réassurance princière. Celle-ci se fait grâce à
des liens féodaux imposés aux simples seigneurs par la puissance militaire ou politique
des princes et du roi : les fiefs de reprise. Il comporte l'hommage. C'est le résultat d'un déséquilibre militaire
ou les princes et seigneurs paient les seigneurs pour leur hommage. De cette manière les
petits seigneurs concèdent des biens de famille (terres et droits de pleine propriété)
qu'ils reçoivent en retour en fief.
Les princes commencent ainsi à contrôler leurs velléités, les
ayant intégrés dans leur réseau de fidélité vassalique. A partir du XIIe, les liens féodaux vont
servir à développer de nouveaux équilibres politiques basés cette fois ci sur de
véritables hiérarchies féodales voyant à leur tête le roi ou les princes.
C/ Une féodalité dirigée
C'est le second âge féodal (Bloch). Les fiefs de reprise et les liens féodaux se généralisent et se
développent. On peut parler de société féodale dan cette seconde moitié du XII. Les
raccords féodaux prennent l'aspect de raccords entre deux niveaux de puissance : pouvoir
local et régional. Chaque contractant délimite ainsi sa sphère de pouvoir et
d'autonomie : c'est l'importance du fief.
On assiste aussi à une application systématique des liens
féodaux-vassaliques qui se dotent de juridictions : on voit apparaître des manuels de
droit féodal. Cela témoigne de l'existence d'un véritable droit féodal dans toute
l'Europe. Toutes les seigneuries sont considérées légalement comme le fief d'une
autorité supérieure.
Comment les rois vont utiliser d'autres fondements pour renforcer
leur pouvoir ?
II] Les fondements du pouvoir royal capétien
Ce sont des aspects nouveaux, principalement administratifs de ce pouvoir. A partir de Philippe Auguste, les capétiens vont commencer à contrôler le territoire. Les capétiens ne peuvent plus compter seulement sur leur pouvoir féodal ou militaire. Ils vont utiliser d'autres ressources : économiques, idéologiques et administratives.
A/ Les ressources économiques de la royauté
On distingue deux grands
ensembles : d'une part les ressources ordinaires (les revenus classiques) et les
ressources extraordinaires. Les ressources ordinaires sont des super-ressources
seigneuriales : tailles, cens et revenus de la terre ainsi que l'ensemble des amendes
judiciaires, es des péages commerciaux. Dans les zones de la mouvance, il peut compter
sur les droits féodaux : mort du vassal
A côté de ces ressources ordinaires concentrées sur le domaine royal, on
compte de plus en plus l'utilisation de ressources extraordinaires. Ce seront des décimes
levées pour les croisades, des impôts sur les juifs et les Lombards. Ors pour pouvoir
lever ces ressources économiques il faut compter sur des idéologies et des ressources
administratives centrales et territoriales.
B/ Idéologie et justice royale
La légitimité idéologique : Le
roi de France apparaît pour les intellectuels au même niveau de pouvoir, de prestige, et
de légitimité politique que l'empereur. Le roi est le seul à être sacré. Le sacre
passant d'un cadre individuel à un cadre dynastique : on associe les fils à la royauté.
Cette unicité du lignage royal est
renforcée par le développement d'une idéologie magique : le roi thaumaturge qui guérit des écrouelles.
La dynastie capétienne détient des pouvoirs religieux et des pouvoirs magiques,
renforçant ainsi sa légitimité. On peut encore y ajouter l'importance des insignes de
la royauté : on commence à voir apparaître la fleur de Lys au XIIIe et la bannière royale (l'oriflamme).
Entre XIIe et XIIIe, la royauté fera en sorte que les
intellectuels développent une mémoire royale, inventant une continuité de Clovis à Charlemagne jusqu'aux capétiens.
Le roi devient un roi territorial par l'acquisition de la
prérogative royale qu'est la justice. Se développe les paix du roi, remplaçant paix de
dieux et paix du roi. Il interdit la guerre privée en 1258 ; en 1268,
interdiction du duel judiciaire. Il faut insister sur la suprématie de la justice royale.
C'est ainsi que le roi passe de suzerain à souverain.
C/ Le pouvoir législatif et administratif du roi
Pour mettre en uvre au quotidien sa
supériorité, le roi doit compter sur un pouvoir législatif monopolisé et une
administration compétente.
Il est représenté au premier lieu
par les ordonnances royales, de plus en plus nombreuses. Elles vaudront pour l'ensemble ou une partie
des terres du royaume de France. C'est l'ultime champ d'action. Pour les mettre en
uvre, la royauté se dote d'une administration de plus en plus centralisée.
Fin XIe, début XIIe, il y a autour du roi un entourage composé de sa cour
itinérante. Cette cour (curia regis) composée de chevaliers et de proches vassaux
va se diviser en deux : d'une part l'hôtel du roi et de l'autre le conseil du roi. Le premier est composé ses domestiques et cinq grandes officines : le
sénéchal de l'armée, chancelier, chambrier, connétable, et boutellier. Au cours du XIIe, ils réussissent à
rendre leur charge héréditaire.
Avec le besoin croissant de services administratifs, la cour va encore se
diviser. On assiste à la centralisation et la stabilisation de l'administration. Les
appareils administratifs sont disposés à Paris qui apparaît comme une capitale avec la stabilisation des archives au
Louvre. Cette administration développe l'écrit, conservant registres et archives.
A partir du conseil du roi, division en cour
des pairs : vassaux ecclésiastiques et seigneurs laïcs (6
de chaque), conseil du roi et parlement.
Le conseil du roi fonctionne en tant que conseil (rôle consultatif
et législatif).
Le Parlement est une grande nouveauté dans les structures de
l'administration. C'est la cour de justice avec une double idée : le pouvoir du roi se
monte au mieux au niveau judiciaire. La justice royale se considère supérieure aux
autres. Cette cour en parlement va siéger vers la permanence, devenant un noyau dur de
l'administration centrale à partir de 1250. Ce parlement se divise en trois
chambres : chambre des requêtes,
chambre d'enquêtes, chambre de décision. Ce développement du
parlement porte en lui l'idée de la suprématie judiciaire royale.
Cette administration centrale se développe aussi du côté des
finances, qui doit gérer les ressources. Mais elle reste limitée : le trésor n'est pas
gardé dans un lieu sur mais par les templiers.
D/ L'administration territoriale
Au XII, l'administration
territoriale du roi est surtout domaniale : sur les terres directement contrôlées par le
roi et par des ministériaux royaux, homme à tout faire : les prévôts.
Sous Philippe Auguste, sous l'impulsion et
l'exemple de l'administration anglo-normande, l'administration se spécialise. On voit
apparaître des agents de contrôle : les baillis en 1190. Ils n'ont pas de circonscription précise : on ne
parle pas encore de bailliage
Avec Saint louis,
les baillis apparaissent comme des officiers salariés. Les châtelains commencent aussi
à devenir ces officiers là, contrôlés ainsi directement par le roi. Les baillis se
développent dans un espace plus grand. Au sud, on les appelle plutôt les sénéchaux.
En 1254, Saint Louis produit une
ordonnance dans laquelle il nomme des commissaires enquêteurs pour aller contrôler les
baillis.
Texte établi à partir d'un cours de faculté
en 1998-9
Grands Mercis au professeur
Mise à jour du : 25/04/99