Les Spartiates ont accordé à leurs rois les
privilèges suivants : ils ont deux sacerdoces, celui de Zeus Lacédémon et celui de Zeus
Céleste ; ils font la guerre aux pays qui leur conviennent, et nul Spartiate ne peut s'y
opposer sous peine de sacrilège ; en campagne, les rois marchent les premiers, se
retirent les derniers ; cent hommes d'élite forment leur garde personnelle à l'armée ;
ils disposent dans leurs expéditions de tout le bétail qu'ils veulent ; la peau et
l'échine de toutes les victimes sacrifiées leur appartiennent.
Voilà leurs privilèges en temps de guerre ; et voici les autres, dont ils
jouissent en temps de paix : dans les sacrifices officiels, ils ont la première place au
banquet, ils sont servis les premiers et ils reçoivent de chaque plat le double de ce que
l'on donne aux autres convives ; ils offrent les premières libations, et la peau des
animaux sacrifiés leur appartient. A la nouvelle lune et au septième jour du mois,
chacun d'eux reçoit, aux frais de l'État, une victime sans défaut pour le temple
d'Apollon, un médimne de farine d'orge et une quarte laconienne de vin. Dans tous les
jeux, ils ont droit à la première place. Ils ont à désigner les proxènes qu'ils
choisissent à leur gré parmi les citoyens, et ils nomment chacun deux Pythiens...
Lorsque les rois n'assistent pas au repas commun, on leur envoie chez eux deux chénices
de farine d'orge et une cotyle de vin ; s'ils y assistent, ils ont double portion [...].
Aux rois vivants, l'État spartiate accorde ces honneurs ; voici maintenant
ceux qu'il rend à ses rois morts. Des cavaliers vont par toute la Laconie annoncer le
malheur, tandis qu'à Sparte des femmes circulent par la ville en frappant sur des
chaudrons. A ce signal, il faut que dans chaque famille deux personnes de condition libre,
un homme et une femme, arborent tous les signes du deuil ; s'en abstenir entraîne un
châtiment sévère. Les Lacédémoniens ont pour la mort de leurs rois les mêmes
coutumes que les Barbares d'Asie, car les Barbares suivent pour la plupart les mêmes
règles pour la mort de leurs souverains. Quand meurt un roi de Sparte, le pays tout
entier, en dehors des Spartiates eux-mêmes, doit envoyer aux funérailles un certain
nombre de périèques. Ceux-ci, les hilotes et les Spartiates font plusieurs milliers de
personnes qui, réunies au même lieu, hommes et femmes mêlés, se meurtrissent le front
avec emportement et poussent de longues lamentations en proclamant toujours que le dernier
roi mort était le meilleur qu'ils aient eu. Du roi mort à la guerre on fait une image
qu'on porte au tombeau sur un lit richement paré. Après l'enterrement du roi, la vie de
la cité demeure suspendue pendant dix jours ; on ne procède à aucune élection, c'est
une période de deuil.
Hérodote, VI, 56-58. |